Page:Ivoi - Le Serment de Daalia.djvu/10

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Les jeunes gens se serrèrent cordialement la main.

Le maître d’hôtel reparut, la face rayonnante entre ses favoris. De l’air triomphant d’un général vainqueur, il tendit à Albin un petit carton, sur lequel il avait noté le menu de sa composition.

Tandis que le jeune homme l’examine en connaisseur, il convient de le présenter.

Quelques années après la funeste guerre de 1870-1871, Albin Gravelotte avait vu le jour.

Son père, originaire des environs de Metz, en Lorrain de vieille race, n’avait pas voulu accepter d’être annexé à l’empire d’Allemagne. Il avait bravement opté pour la nationalité française, abandonnant une situation aisée, renonçant, pour une somme dérisoire, à tous droits sur la propriété qu’il avait habitée jusqu’à ce jour, et qu’un frère, moins noble mais plus pratique, avait acquise, aimant mieux vivre largement comme Allemand, que chichement comme fils de Gaule.

Depuis, les deux frères ne s’étaient jamais revus.

Venu à Paris, le père d’Albin s’était marié, avait amassé une petite fortune, soigné l’éducation de son fils.

Malheureusement, à vingt et un ans, le jeune homme s’était trouvé orphelin avec un héritage d’environ quatre cent mille francs.

Que faire d’un héritage, si on ne le jette pas par les fenêtres, en compagnie de joyeux pique-assiette… qui vous tournent le dos, une fois les derniers louis croqués, mais qui sont si aimables tant que dure l’argent.

C’est pendant cette période de gaspillage qu’Albin rencontra Morlaix.

Tous deux avaient été condisciples au lycée Condorcet. Leurs baccalauréats passés, ils s’étaient perdus de vue.

Et voilà qu’un beau jour, Gravelotte, ayant téléphoné à une agence de lui envoyer un valet de chambre bien stylé, Morlaix s’était présenté.

Reconnaissance des camarades de collège, explications d’où il résultait que Morlaix avait eu toutes les malechances, sans rien perdre d’ailleurs de son caractère insouciant.