Page:Ivoi - Le Serment de Daalia.djvu/122

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étranges figures de teinte franche, s’en distinguaient d’autres dont les surfaces cutanées visibles présentaient plusieurs nuances alternées, bleu et rouge, noir et jaune. En style de jardinier, ces dernières étaient des panachées.

— Qu’est cela ? put enfin balbutier Fleck.

— Je vous le demande, repartit Niclauss.

— Cela ne s’est jamais vu.

Mais leurs exclamations, leurs gestes, leurs coups d’œil effarés, avaient attiré l’attention d’un de leurs porteurs, resté auprès d’eux.

— Ce sont des teinturières, expliqua-t-il.

— Des teinturières… alors elles essaient leur teinture sur leur visage ?

— Non.

— Quoi donc en ce cas ?

— Voici. Ces ouvrières sont chargées d’extraire la matière colorante de diverses écorces, pour qu’elle soit appliquée ensuite sur le jarit (coton peint), le louri (étoffe teinte en fils) ou le batik (étoffe teinte après le tissage). Comme elles font macérer les bois colorants dans l’eau chaude, leurs visages, constamment exposés aux vapeurs qui se dégagent, se teignent peu à peu ainsi que vous le voyez. Au surplus, cette coloration anormale est considérée comme une parure, et si la loi batta ne limitait le nombre des teinturières, toute la population féminine s’adonnerait à la profession enviée.

Les Européens faisant mine de se lever, le porteur les pria de n’en rien faire.

— Mes camarades ont couru jusqu’au village, afin de vous rapporter des vêtements secs, car des blancs ne sauraient entrer dans un endroit habité avec une tenue de chiens mouillés. Le respect qui leur est dû en serait diminué, et le panghéran François Gravelotte s’irriterait d’apprendre que ses hôtes ont été si mal traités.

Puis, sans doute pour charmer l’ennui de l’attente, il se lança dans un exposé complet de l’art de la teinturerie à Sumatra.

Ainsi, les voyageurs grelotants apprirent, sans en avoir la moindre envie, que les couleurs sont extraites des essences suivantes :