Page:Ivoi - Le Serment de Daalia.djvu/263

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par d’horribles grimaces qui redoublent la gaieté de l’assistance.

Mais des mandarins verts s’avancent.

Ce sont les porte-cigarettes.

Ils en présentent aux récipiendaires.

Cette fois, Niclauss met délibérément la sienne dans sa poche. Il a bu, oui, mais il ne fumera pas. On ne le prendra pas deux fois de suite.

Il ricane en voyant Albin approcher sa cigarette de la baguette enflammée d’un porte-feu.

— C’est que le Français s’est fait le raisonnement inverse :

— La seconde expérience ne doit pas reproduire la première. Si l’une devait être refusée, l’autre, doit être acceptée.

Sur quoi, il aspire une bouffée de fumée exquisement aromatisée.

On vient de lui offrir la cigarette du Kraton, uniquement réservée au Maître, au tabac blond de laquelle ont été mêlées, en quantités dosées par la longue expérience de ces Orientaux habiles à extraire le summum de jouissance de toutes choses, de l’opium, de la cannelle, des sucs de fleurs.

En un instant, Albin est enveloppé d’un brouillard bleuté du parfum le plus suave. Sans doute, lorsque Jupiter Olympien se dérobait aux regards des mortels dans un nuage, il devait le composer de la fumée des Kratons.

Niclauss attend toujours, prêt à rire de la déconvenue qu’il espère pour son rival.

Hélas ! c’est une acclamation louangeuse qui accueille l’acte du fumeur.

La seconde épreuve du Savoir se résout encore en faveur du Français, réputé avoir reconnu la cigarette aromatique.

Dire la rage de Gavrelotten est impossible. Elle est d’autant plus terrible qu’il n’ose l’exprimer, car le maître de cérémonie à la baguette d’ivoire est près de lui, et sa main droite conserve encore une douleur sourde.

— La grande épreuve ! la grande épreuve !

Cela est hurlé, crié, glapi sur cent tons différents.

Le sultan a levé sa dextre auguste à hauteur de son nez. Aussitôt tous les assistants se sont levés.