Page:Ivoi - Le Serment de Daalia.djvu/279

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D’une voix étouffée, Eléna prononça ces deux syllabes.

Brusquement la lutte entre son cœur et son esprit, son espoir matrimonial et sa crainte du poignard, venait de s’engager.

C’était son quatre centième fiancé qui venait vers elle, parmi l’adoration d’un peuple et la cacophonie d’une race. Et elle qui brûlait de lui dire :

— Généreux étranger, voici ma main !

Elle allait être obligée de lui conter la fable imposée :

— Ceci est bien ma main, mais c’est la main de Darnaïl quand le Sultan est présent, la main de Daalia quand il s’éloigne ; ce n’est la main d’Eléna que si vous-même quittez la salle.

Une trinité !

Mrs. Doodee, sans s’en douter, était devenue une trinité !

Et, franchement, la mignonne Anglaise trouvait que ce n’était pas un avantage et aurait de beaucoup préféré être une, tout simplement, ce qui, à tout prendre, n’était pas si mal.

Mais deux servantes bondissent dans la salle ; elles couvrent la tête des voyageuses de longs voiles lamés d’argent.

L’une d’elles, l’interprète déjà aperçue la veille, murmure :

— Vous ne rejetterez le voile que sur l’ordre du Sultan. Ainsi le veut le cérémonial.

Puis, elles se sauvent à toutes jambes.

Et les Anglaises, empêtrées sous ces voiles qui tombent jusqu’à terre, demeurent immobiles, avec l’apparence de deux grands pains de sucre de dimensions différentes.

Une voix sifflante lance, en arrière d’elles, cet avertissement cruel :

— Sur mon kriss, surveillez vos paroles.

C’est Oraï qui rappelle sa présence.

Elles n’ont pas le loisir de répondre. La porte s’ouvre. Elles ont un petit cri et, à travers les mailles serrées des voiles, regardent entrer le Sultan, puis Albin, puis Niclauss.

Le battant retombe, séparant ces personnages du cortège qui les a accompagnés jusque-là.