Page:Ivoi - Le Serment de Daalia.djvu/299

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— Vous concevez qu’autour de l’orifice exutoire de notre marmite volcanique, il fait chaud ; l’air y est chargé de vapeurs sulfureuses, nitreuses, absolument hostiles à la végétation.

— Je comprends… à mesure que l’on monte, les arbres s’espacent, se rabougrissent, disparaissent.

Nouveau salut de Morlaix, accompagné de cette phrase ambiguë :

— On ne peut rien vous cacher, digne monsieur, votre perspicacité égale votre intelligence.

À ce moment, Albin appela son ami, lequel s’empressa de le joindre, laissant Niclauss songeur. Le « gendre » de Fleck se demandait, non sans une certaine perplexité naïve, si son interlocuteur ne s’était pas moqué de lui.

Cependant, une vague odeur de soufre se répandait dans l’air.

Les voyageurs arrivaient dans la région où dominent les forces destructives.

Autour d’eux, plus rien que des arbres morts, aux branches dénudées, squelettes sinistres marquant la limite de la forêt vivante.

Un silence morne planait sous ces bois. Plus un oiseau, plus un serpent. De temps à autre, un grondement souterrain, une palpitation imperceptible du sol, ou bien des craquements secs annonçant la chute d’un arbre.

Étreints par une terreur superstitieuse, les Européens allongeaient le pas, se pressant de traverser la zone morte. De plus en plus, les arbres s’espaçaient ; de plus en plus augmentait le nombre des troncs renversés sur le sol par la dessiccation, la foudre, ou les frissons volcaniques de la montagne.

Un dernier arbre squelette, sentinelle avancée de la végétation, et le cône dénudé du Mérapi apparaît un instant, rougi, crevassé, effrité, affaissé ici par un retrait de terrain, bossué là par une coulée lavique.

Puis, tout disparaît.

La sente se glisse entre deux remblais à pic, sur lesquels se dressent des haies de soufre, découpées par la fantaisie du hasard en exquise dentelle.

Malgré les grondements plus forts, malgré les oscillations du sol qui trépide sous leurs pieds comme les parois d’une chaudière, les voyageurs admirent les délicates circonvolutions de cette dentelure jaune.