Page:Ivoi - Le Serment de Daalia.djvu/311

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Éveillé, il eût certainement quitté le pont, car, ainsi qu’il arrive toujours au départ d’un navire, des parents, des marins, des oisifs s’étaient rassemblés sur la jetée, et le sacrificateur, homme prudent par essence et par profession, n’eût pas voulu s’exposer à des regards nombreux, parmi lesquels certains pouvaient être adversaires.

Mais Morphée avait clos ses paupières et engourdi son intelligence.

Si bien qu’il ne vit pas cinq personnes lever les bras en l’air, et aussi cinq bouches stupéfaites lancer cinq exclamations différentes, mais pouvant se résumer en une seule :

— Le voilà ! Le voilà ! 

C’étaient Albin, Lisbeth et leurs compagnons.

En quittant la gare, ils étaient venus, mus par un secret instinct, rôder aux alentours du port. Le port n’était-il pas, en effet, le but définitif du prêtre de M’Prahu ?

Ainsi ils se trouvaient là, juste à point pour reconnaître le fugitif sur le Jacinto qui prolongeait la jetée à quelques mètres de distance seulement.

Ils eurent des cris naïfs :

— Arrêtez… Arrêtez !

Dont le navire, naturellement, ne tint aucun compte. Durant cinq minutes, ils suivirent des yeux la coque élégante s’éloignant vers la haute mer, laissant après elle l’éventail du sillage dans lequel dansaient les remous de l’hélice.

Puis, brusquement, Albin s’adressa à un curieux : 

— Ce navire est espagnol ?

— Oui, Monsieur. Il appartient à la Compagnie « Insulindia ».

— Dont les bureaux sont ?…

— Sur le port… tenez, vous apercevez le pavillon, là, à droite, après le hangar des cafés.

Le jeune homme n’en écouta pas davantage.

D’une voix brève, il jeta à ses compagnons ce seul mot :

— Venez.

Et s’élança d’un pas rapide sur la jetée, heurtant au passage d’inoffensifs promeneurs qui n’en pouvaient mais.

Morlaix le suivit, Lisbeth suivit Morlaix, Fleck emboîta le pas à sa fille, et Niclauss, pour ne pas de-