Page:Ivoi - Le Serment de Daalia.djvu/315

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quais de Manille. Courir chez l’officier de port, s’enquérir du Jacinto, fut la première occupation du quintette.

Les renseignements qu’ils recueillirent ainsi les récompensèrent de leur empressement.

Le Jacinto n’atteignait jamais sa vitesse nominale de douze nœuds. Ses chaudières anciennes éprouvaient, à chaque traversée, quelque avarie qui obligeait le navire à vapeur à voguer à la voile.

Il se passerait donc un, deux, peut-être trois jours, avant que le cargo-boat fût signalé au sémaphore.

Tranquilles de ce côté, les Européens se mirent en quête d’un gîte et se décidèrent presque aussitôt pour un hôtel, dont le mérite incontestable était de faire face aux hangars bordant le débarcadère des steamers.

La façade de l’établissement portait la trace de la substitution de l’autorité saxonne au gouvernement espagnol.

Jadis la maison s’appelait : Osteria del Re. Depuis la conquête, la républicaine Amérique avait paru à l’hôtelier mériter quelque flatterie ; mais préoccupé à la fois d’être bon courtisan et économe administrateur, le digne homme avait placé sa maison sous la protection de l’illustre Washington, sans toutefois engager la dépense utile pour faire disparaître l’ancienne enseigne.

De telle sorte qu’on lisait sur la façade cette inscription bien faite pour donner à rêver au philosophe.

Se habla — Osteria del Re. Washington-hotel.
xxxx — American españolspoken.

Nonobstant cet éclectisme, l’osteria était aussi mal tenue que n’importe quelle hôtellerie d’Espagne ; le señor Valpuco passait les heures devant sa porte à gratter de la guitare et à fumer sa cigarette, sans se soucier des réclamations de ses hôtes, et l’opulente épouse dudit señor, laquelle répondait d’une voix de soprano au nom de señora Serafina, semblait enfermée à demeure dans sa caisse, où elle notait… généreusement le débours des voyageurs, interrompant de temps à autre cette occupation prosaïque, pour se mettre poétiquement les doigts dans le nez, avec le plus engageant des sourires.