Page:Ivoi - Le Serment de Daalia.djvu/342

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pier, et, là, ses pieds frétillants eurent des mouvements rapides, ravis, gracieux, tels qu’un observateur frivole, ignorant du cant et de le respectability britanniques, eût cru qu’elle esquissait un pas de danse.

Mable elle-même, grisée par l’air magique de la liberté, ne se souvenait plus de son poids ; elle courait, selon son expression, comme un petit chevreau.

Et Eléna laissa passer ce mot.

— Venez, venez, ma chère, dit-elle. J’ai avant tout besoin de me promener, d’aller dans la direction qu’il me plaît de choisir, sans un geôlier qui m’oblige sans cesse à tourner du côté qui ne me convient pas.

Puis, dithyrambique :

— Oh ! que la liberté est bonne. Que Shakespeare et Sheridan, et aussi Kant, Bruce, et encore tous les Anglais, ont raison de dire qu’elle est le plus précieux des biens.

Un mendiant tendit son chapeau ; la gentille veuve y laissa tomber une guinée.

Toute la bonté réunie par la nature dans son être gracieux s’épandait au dehors.

Hommes, femmes, enfants, blancs, mulâtres, métis, arbres, maisons, barques, vagues, tout lui apparaissait joli, délicieux, exquis. Et elle jetait des phrases comme celle-ci :

— Être libre sur la terre ferme, le voilà le paradis ! Ce à quoi Mable, essoufflée mais réjouie, répliquait, ouvrant la bouche avec une énergie telle qu’il semblait impossible qu’elle la refermât :

Aoh ! yes. La liberté me donnait un repos aussi confortable qu’un bon fauteuil.

Ceci encore passa sans éveiller la susceptibilité poétique de la blonde Eléna. Ce seul trait suffirait à mesurer la béatitude qui amollissait ses facultés critiques en une bienveillance inaccoutumée.

Tout à coup, la mignonne Anglaise s’arrêta.

Une jeune femme au teint doré, aux yeux sombres, drapée dans un pagne rouge, les pieds nus sous sa jupe courte de cotonnade, venait de la saluer de ce souhait :

— Puisse la madone étendre l’égide de son manteau bleu semé d’étoiles, sur la tête de la belle señora aux frisons d’or.

Religiosité et flatterie mêlées, la phrase plut à