— Cela fait une.
— Et moi, cela fait deux.
— Vous ? Permettez, madame, il y a confusion, jamais je n’ai rien dit ou fait qui pût vous inciter, à apposer que je songeais à vous épouser.
— Vous osez dire cela ?
— En toute loyauté.
— Alors, puisque vous réalisez une volte-face inqualifiable, veuillez m’apprendre pourquoi vous avez quitté Liverpool à ma suite ?
— Encore ! Mais je n’ai pas quitté Liverpool !
— Pardon, pour vous trouver ici, à Manille !
L’organe de la petite Anglaise tremblait de colère ; ses mains mignonnes se crispaient furieusement.
— Eh ! madame, je n’ai pas pu quitter Liverpool, attendu que je n’y ai jamais mis les pieds !
— Ni à la Martinique non plus ?
— Pas davantage.
— Ni au Brésil ?
— Non, mille fois non !
— En ce cas, que me disiez-vous donc, le soir de mon départ de Batavia ?
— Le soir ?
— Au relais… J’étais à ma fenêtre, vous en bas…
Gravelotte eut un cri. La lumière se faisait en son cerveau. La conversation incompréhensible, qui durait depuis l’apparition des Saxonnes, devenait claire, nette.
— C’était donc vous ?
— Vous l’ignoriez ?
— Je croyais parler à celle qui, à cette heure, est protégée contre Moralès par, le capitaine Stiggs. L’homme qui vous accompagnait…
— Le douanier ?
— Un déguisement ! Il vous entraînait à sa suite pour me dépister… Et, acheva le jeune homme en s’inclinant respectueusement, il a provoqué ainsi un quiproquo, un malentendu que je déplore, puisque, un instant, il vous a fait douter de ma bonne foi.
Eléna avait un peu pâli. Une buée humide troubla ses yeux bleus, mais cela n’eut que la durée d’un éclair.
— Bah ! murmura-t-elle, nous serons peut-être morts demain à pareille heure !
Puis, tendant la main à Gravelotte :