Page:Ivoi - Le Serment de Daalia.djvu/367

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— Regardez !

Dominé par le ton, Albin obéit.

Par l’ouverture ménagée entre le chambranle et le vantail de la porte, il apercevait Moralès assis sur une chaise grossière, semblant attendre avec une impatience non dissimulée.

Attendre quoi, le jeune homme n’eût su le dire, mais une angoisse inexprimable pesa soudain sur lui.

Il eut le pressentiment d’un malheur.

Et comme il cherchait à préciser cette intuition vague, il se sentit agité par un frisson.

Moralès venait de se lever, et, en face de lui, encadrée par deux révoltés, Daalia en personne était apparue.

D’un mouvement irréfléchi, le Français voulut s’élancer vers elle ; mais ses liens fixés à l’anneau scellé dans la muraille le rappelèrent à lui-même en lui meurtrissant les chairs.

Antonio murmura d’un ton menaçant :

— Écoutez, immobile et muet.

Au surplus, le chef rebelle s’inclinait courtoisement.

— Señorita Daalia, fit-il, permettez-moi tout d’abord de m’excuser des façons menaçantes que j’ai dû prendre pour vous attirer ici. Chef des braves qui combattent pour l’indépendance, je suis tenu de leur assurer des armes, des munitions. Les en laisser manquer serait les livrer au bourreau. Votre rançon nous assurera la possibilité de continuer longuement la lutte.

Avec un sourire ironique, la jeune fille murmura :

— Je me suis livrée… Négligez donc des préambules inutiles et venons au fait !

— Parfaitement raisonné.

— À combien évaluez-vous ma rançon ? reprit Daalia avec une nuance de hauteur.

— Vous êtes un pur diamant, señorita, une fortune seule peut me décider à me séparer de vous.

Plus dédaigneuse encore, Mlle Gravelotte continua :

— Les gens de Sumatra ne sont pas avides… ils laissent aux Tagals[1] l’amour de l’or. Parlez donc

  1. Tagals — peuple primitif des Philippines, dont les insurgés ont repris le nom, pour échapper à ceux des conquérants.