— Non.
— Ma voix est bien cassée : mais je puis te chanter encore la légende de Varoun’ihr, transformée en crabe par M’Prahu ?
— M’Prahu, redit Daalia avec un soupir.
— Tu veux ?
— Non. Dis-moi plutôt la légende de Diarak, le guerrier dont le regard fascinait, dont la voix contraignait les tigres a l’obéissance.
La nourrice commence aussitôt.
Mais à peine a-t-elle esquissé le portrait du guerrier haut comme un tremble, terrible comme un volcan, que son interlocutrice l’interrompt :
— Il m’ennuie, Diarak. Ne m’en parle plus.
Et, soudain, passant à une autre idée :
— Il y a longtemps que je n’ai vu Souria.
— Souria ? Quelle Souria ? bougonne la servante d’un ton de mauvaise humeur.
— Tu le sais bien.
— Est-ce la femme du batelier qui fait la traversée du port ?…
— Mais non.
— Alors, c’est la ménagère du commis de la douane ?
Daalia crispe ses mains fines en un geste éploré. Elle gémit avec un accent désolé.
— Oh ! tu le fais exprès pour me contrarier. Tiens, laisse-moi, tu es méchante.
À ce reproche de la chère créature, la nourrice s’émeut :
— Non, je ne veux pas te laisser seule avec ton ennui.
— Il vaut mieux que tes taquineries.
— Je ne te taquine plus, Fleurette de Nacre, je ne te taquine plus, Souria ; je me souviens à présent. Tu veux parler de la fille du ton Jeroboam Metling, qui dort toujours.
Cette fois, la physionomie de Daalia s’éclaire.
— Oui, c’est cela. Elle me néglige. Elle ne vient plus me voir.
— Elle ne doit pas.
— Pourquoi ? Suis-je donc mauvaise ? Est-il défendu d’être mon amie ?