Page:Ivoi - Le Serment de Daalia.djvu/70

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— De quoi parles-tu, mignon scarabée bleu ?

La question de Rana parut surprendre sa compagne. Néanmoins elle répliqua, désignant, du manche de son fouet, la clôture de la prison.

— Ces barrières de fil de fer.

La nourrice joignit les mains.

— Où les Nederlangs (Hollandais) forcent le tonnerre à circuler. Qui voudrait s’évader serait frappé par la foudre, et il devient inutile de construire des murs coûteux.

Un vague sourire erra sur les lèvres de Daalia !

Sans doute, elle jugea inutile d’expliquer à la suivante que ce n’était pas le tonnerre, mais un simple courant électrique à haute tension, qui parcourait les fils de métal. Après tout, dans son langage naïf, la vieille Soumhadrienne avait très justement exprimé le côté pratique de l’installation.

Au lieu d’édifier à grands frais des murailles épaisses et hautes, les Hollandais avaient trouvé plus simple, plus économique, de s’en remettre à la fée Électricité, du soin d’arrêter les prisonniers trop avides de liberté.

Cependant la voiture était parvenue en face de la grille, qui permettait d’accéder dans la cour spacieuse et nue, encadrée par les bâtiments de la prison.

Rana, introduisit entre ses lèvres l’extrémité de ses doigts maigres, et lança un sifflement aigu.

Presque aussitôt, sur le seuil d’une maisonnette de briques, toute proche de l’entrée, une jeune Malaise parut.

Petite, quelque peu ramassée, les cheveux huileux, le teint safrané, la nouvelle venue eût paru laide à bien des Européens. Pourtant Daalia s’écria :

— Voilà ma jolie Souria. Je viens te voir, puisque tu délaisses la plantation, interromps le courant que je puisse entrer.

Sous le compliment, l’interpellée eut un large sourire qui distendit ses lèvres et laissa apercevoir ses dents rougies, noircies par l’usage du bétel[1].

  1. L’usage du bétel est général en Malaisie. On chique « des boulettes » préparées, dont le résultat est de noir-