Page:Ivoi - Les Cinquante.djvu/110

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— Eh bien, j’ai interrogé, je crois, prononça le roi avec hauteur ?

D’Artin se courba en deux en une révérence respectueuse :

— M. de Talleyrand a préféré un messager tel que moi, parce que la route était longue. Un accident de cheval, une mauvaise rencontre, et un messager ordinaire reste étendu sur le chemin, ses dépêches à la merci du premier passant venu. Une communication verbale au contraire s’éteint avec son porteur.

Cette réponse, dont tous les mots semblaient calculés par la prudence, fit tressaillir Louis.

— En sommes-nous donc là, que la correspondance de la Couronne de France puisse être impunément violée, que les serviteurs de la Couronne admettent la possibilité de cette honte ?

Louis XVIII qui, en dépit de sa lourdeur provenant des ans et de la maladie, avait le sentiment très vif de la dignité royale, reparaissait tout entier dans cette amère réflexion.

Ce furent, l’impartialité historique fait un devoir de le répéter, la jeunesse, la vigueur physique, qui manquèrent à ce monarque pour réaliser ce que rêvait son esprit vif et pénétrant.

Déjà, il avait osé résister naguère aux souverains alliés, alors qu’ils prétendaient parler en maîtres dans Paris envahi. Profitant de leurs dissensions, de la lassitude générale laissée par quinze années de guerre, il avait réussi alors à les éclipser derrière sa personne.