Page:Ivoi - Les Cinquante.djvu/111

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Le peuple exigeant une charte, consacrant de façon définitive les libertés conquises, le roi, auquel il eût été impossible de la refuser, était parvenu avec habileté à paraître l’octroyer de son plein gré.

Toujours il avait voulu sauver l’honneur.

Et à cette heure trouble, où les républicains, unis aux bonapartistes, conspiraient contre sa couronne ; où l’Europe triomphante s’évertuait à diminuer le prestige de la France abattue, c’était la même préoccupation qui le hantait.

Ce monarque lettré avait appris dans les lectures du passé qu’une nation, qu’un régime, qui conservent l’honneur, peuvent aussi garder l’espérance légitime des revanches futures. Les peuples sont effacés de la carte du monde, non pas par la défaite, mais par l’abandon de leur gloire, de leur tradition héroïque, par la trahison de tout ce qui les fit grands et respectés.

Louis avait au plus haut degré la perception de ces vérités.

Soudain son visage changea. Dans ses yeux, dont les paupières lourdes se relevèrent avec vivacité, brilla une flamme.

— M. de Rochegaule, fit-il d’une voix tranchante. Vous avez parlé trop ou pas assez. Veuillez vous expliquer sans ambages. Souvenez-vous que c’est le roi de France qui vous écoute.

Pour un instant, le monarque podagre oubliait la goutte. Pour un instant il apparaissait tel qu’il aurait dû être pour la pacification des partis, tel qu’il aurait été si l’exil n’avait usé sa jeunesse et sa vie.

Troublé par ce nouvel aspect, Rochegaule parla :

— Sire, dit-il d’un ton mal assuré, S. M. l’Empereur des Russies a proposé au Congrès de Vienne de rétablir un grand-duché de Pologne indépendant.

— Ah ! c’est généreux. Les Polonais ont été de fidèles alliés de la France. Ils ont combattu, il est vrai, pour Napoléon. N’importe, je serais heureux de les voir récompenser de leur loyauté.

— Ah ! mon roi, interrompit de Blacas d’un ton pénétré. Pourquoi toute la nation n’est-elle pas admise à entendre parler votre cœur ?

— Tu trouves que j’ai raison, toi, mon ami, toi qui seul es raisonnable dans mon entourage. Mais continuez, comte, continuez, car, par la sambleu, comme disaient mes aïeux, je ne vois pas où vous voulez en venir.

Derechef d’Artin salua :

— Une Pologne puissante est un avantage pour la France, a répondu S. M. le roi de Prusse. Loin de moi cependant la pensée de contrecarrer les