Page:Ivoi - Les Cinquante.djvu/127

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— Impossible. La famille Impériale y réside en ce moment.

— Je ne l’ignore pas, reprit Bobèche sans se laisser déconcerter. Je suis envoyé par M. le délégué de Pologne, avec mission de communiquer à Mme la comtesse Walewska un message qui ne souffre aucun retard.

L’officier autrichien parut embarrassé. Mais bientôt il se décida :

— Veuillez attendre au poste, Messieurs. Je vais envoyer un de mes hommes à la recherche de Mme la comtesse.

Les Français s’inclinèrent et se mirent en marche derrière l’officier.

Un instant après, ils étaient assis devant un petit pavillon servant de corps de garde.

Un soldat s’était dirigé vers le château, qu’on apercevait au loin, masqué en partie par une muraille d’arbres taillés, à feuillage persistant, sur lequel se détachaient, comme sur le fond de niches d’émeraude, de blanches statues.

À leur droite, les voyageurs distinguèrent la butte de la Gloriette, dont la colonnade grêle se profilait sur le ciel. À leur gauche, miroitait la nappe bleue de la pièce d’eau des Ruines Romaines, dont la silhouette fantasque se devinait parmi les lierres.

Plus loin encore, tout près de la masse de pierre du château, les parterres du jardin à la française, vides de fleurs vu la saison, où s’épanouissaient à l’aise des fusains, des buis, des troënes, encadrant de leur feuillage sombre le vert tendre des pelouses.

L’immense amour d’Espérat pour l’Empereur s’exacerbait à ce spectacle. Le jeune homme revivait l’inoubliable épopée.

Ce sol, l’Empereur l’avait foulé, lorsqu’en 1805, en 1809, il faisait trembler de sa main puissante le trône d’Autriche, lorsqu’il accaparait à son profit l’orgueilleuse devise des pâles successeurs de Charles-Quint. A. E. I. O. U. — Austria est imperium orbis universi — l’Autriche est l’Empire du monde.

Et le génie avait succombé sous le nombre, les loups se disputaient les reliefs du lion.

— Ah ! murmura Milhuitcent, si un jour la France disparaît…, le nom de Napoléon restera comme l’incarnation de son génie. On dira Napoléon pour la Gaule, comme on dit Alexandre pour la Grèce ou César pour Rome.

Il eut un soupir.

— Plus grand qu’eux par la gloire, comme par la douleur, il est là-bas proscrit, et sa femme est redevenue autrichienne, et son fils grandit