mulé ? Le mystère de la tragique infortune du titan couronné devait-il être dévoilé à leurs yeux ?
Terrible question. Point d’interrogation plein de trouble et de frissons.
Se montrer. N’était-ce pas s’exposer au courroux de la femme, indigne de l’illustre situation que lui avait faite un geste de l’exilé ?
Rester cachés, n’était-ce pas violer le secret déchirant du maître ?
Mais, dépassant les décisions, la tragédie se jouait en quelques répliques :
— Pourquoi tu dis pas ce que papa Poléon te dit ?
— Il ne dit rien.
— Avec cela. Il embrasse son petit Poléon, qui doit être général comme lui.
Une femme de cœur aurait pleuré, Marie-Louise trouva la force de répondre de sa voix indolente :
— Il n’embrasse pas.
Peut-être ne se douta-t-elle pas de l’horreur qu’il y a à refuser à l’enfant le baiser du père.
— Si, il embrasse, répétait l’enfant avec une tendre obstination.
Alors elle s’impatienta :
— Le duc de Reichstadt, — et sa voix se fit, impérieuse pour prononcer ce nom qui cachait, ainsi qu’un manteau de deuil, le nom glorieux du petit être, — le duc de Reichstadt fait de la peine à sa mère.
— De la peine ? gémit l’enfant bouleversé.
— Oui, il avait promis de ne plus parler de Poléon.
— Il a promis. Oui ; mais pourquoi ne plus parler ?
L’ex-impératrice se leva avec un geste las :
— Parce que cet homme fut le malheur de la vie de maman, et que rappeler son nom, c’est rappeler ses crimes[1].
Et elle s’éloigna dolente, telle une victime, accompagnée par le « roi de Rome » qui sanglotait :
— Pardon, pardon, maman ; parlerai plus, parlerai plus Poléon.
Espérat était à genoux. Les larmes ruisselaient sur ses joues. Il tendit les bras vers le ciel et d’une voix sourde :
— Mon Dieu… ! pardonne à cette femme… mais surtout que ta colère épargne cet enfant qui ne sait pas ce qu’il dit !
- ↑ Confidences de Mme la comtesse Camerata.