nage, qui semblait attendre près d’un carrosse, rangé dans l’une des contre-allées gazonnées, vint se placer au milieu de la route.
Force fut au cocher d’arrêter ses chevaux, ce qu’il fit à grand renfort de jurons.
Le fâcheux se contenta de sourire.
— Un louis pour l’arrêt, garçon.
À cette phrase magique, la colère de l’automédon fit place à la plus obséquieuse politesse :
— Oh ! À vos ordres, mon gentilhomme.
— Je suis chargé de recevoir ici un voyageur.
— À votre aise.
— Et de faire occuper la place restée libre par une autre personne.
Le cocher se gratta la tête :
— Ça, Monsieur, c’est autre chose. Les règlements de police nous interdisent de prendre des clients après la barrière.
L’inconnu haussa les épaules :
— Deux louis.
— Ah ! Monseigneur, les règlements ne concernent pas les gens aussi généreux que vous. Il est certain, j’en jurerais, que l’on n’a voulu viser que les ladres, trop nombreux, hélas ! dans notre beau pays de France.
Un tintement d’or se produisit. Deux pièces à l’effigie de Louis XVIII passèrent de la main du piéton dans celle de l’homme juché sur le siège. Celui-ci les fit disparaître dans sa poche, en ajoutant de ce ton de complicité à la fois protecteur et respectueux, que savent prendre ses pareils en semblable occurrence.
— Seulement, hâtez-vous, Monseigneur, pour ne pas créer d’ennuis à un pauvre diable qui gagne péniblement sa vie.
L’inconnu inclina la tête et courut à l’arrière de la diligence dont il ouvrit la portière :
— Monsieur Denis Latrague, appela-t-il en se penchant à l’intérieur.
— Té, Denis Latrague, c’est moi, répondit aussitôt l’homme au manteau puce avec un accent provençal des plus caractérisés.
— Veuillez descendre, je vous prie. Un carrosse envoyé par… qui vous savez, vous attend ici près.
— Vé, un carrosse pour le fils de mon père ?
— Oui, Monsieur.
Presque aussitôt il se produisit dans le véhicule un remue ménage, des exclamations se croisèrent, et le vieux paysan, plus agile qu’on n’aurait pu