Page:Ivoi - Les Cinquante.djvu/193

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— Son nom, oh ça n’est pas un mystère, son nom. Mme la baronne de Rœmer, pardi. Vous ne la connaissez donc pas, et vous venez lui rendre visite ?

— Mon ami, je suis Commissaire de la Sainte-Alliance dont fait partie S. M. le roi Bernadotte, et je remplis mon devoir.

À cette confidence, Espérat riposta par un salut respectueux, qui le courba en accent circonflexe, et lui permit de cacher un sourire triomphant.

— Je commence à croire que mon idée est bonne, se confia le brave enfant.

Il se redressa, très grave, comme impressionné par les dernières paroles de son interlocuteur.

Satisfait de l’effet produit, le colonel reprit d’un ton suffisant :

— Pourquoi Mme de Rœmer est-elle venue à l’île d’Elbe ?

— Ça, Milord, je n’en sais rien.

— Même avec cette aide à votre mémoire.

Ce disant, l’agent de la Sainte-Alliance faisait briller une nouvelle pièce d’or aux yeux de son interlocuteur.

Celui-ci eut un geste désolé.

— Ah ! Milord, ma mémoire ne me servirait de rien, car je n’ai jamais su la cause de ce voyage.

— Vous êtes certain ?

— Malheureusement. Nous étions à Vienne.

— A. Vienne ? Pourquoi cela ?

— Parce que Mme de Rœmer est dame d’honneur de S. M. Marie-Louise, qui réside au château de Schœnbrünn.

— Dame d’honneur.

Ce mot fut lancé par le colonel comme un cri de joie.

— Et, interrogea-t-il enfin ?

— Eh bien, ma foi, Mme la baronne nous a appelés, un autre domestique et moi.

— Ah ! vous êtes domestique, mon ami.

— À Schœnbrünn, pour vous servir, Milord.

— On vous a donc appelé ; répondez franchement, j’ai en poche quelques guinées qui brûlent de passer dans la vôtre.

— Je ne demande qu’à les aider donc : Mme la baronne nous dit : Vous allez m’escorter en voyage. Des enfants comme vous sont moins remarqués que des hommes. — Où allons-nous, avons-nous demandé ? — Elle répondit : Vous le verrez. Pour l’instant, préparez-vous au départ… Et voilà.