connus comme un fou dangereux. Bref, il manœuvra si bien qu’il parvint à ne pas être inquiété.
— Bravo !
— N’applaudis pas. Car, en m’informant, j’ai failli être pris.
— J’en suis navré.
— Bien inutilement, puisque j’ai pu rester libre ; seulement, j’ai couru tout d’une traite à Paris, et là…
— Continue.
— J’ai appris… — Quoi donc ?
— Que l’on a expédié au maréchal Masséna, qui commande à Marseille, l’ordre d’exercer une surveillance incessante sur les côtes de la Méditerranée.
Espérat fronça les sourcils :
— De sorte que la présence de l’Empereur est peut-être déjà signalée ; qu’il va être attaqué ; et tu ne l’as pas prévenu ?
Bobèche haussa les épaules :
— T’es bête, mon vieux Espérat. M. de La Valette est en train de tout dégoiser au petit Caporal.
— À la bonne heure.
À ce moment, le détachement du capitaine Lamouret entrait dans la batterie, objectif de son mouvement.
Elle était gardée par une douzaine de douaniers qui, bien loin d’opposer la moindre résistance, aidèrent les grenadiers à hisser sur l’ouvrage le drapeau tricolore, et coururent rejoindre la troupe de Napoléon, en criant comme des perdus :
— Vive l’Empereur !
Ce facile succès grisa le jeune capitaine :
— Mes enfants, dit-il aux grenadiers, nous n’allons pas nous en tenir là. Faisons une surprise à notre général. Il nous a demandé une batterie, donnons-lui une ville.
— Parfait ! C’est bon ! répliquèrent les grognards, qui, selon leur habitude, ne voyaient rien d’impossible, quelle ville ?
— Antibes.
— Va pour Antibes.
— Mais il y a là, fit remarquer Bobèche, un régiment en garnison.
— Lequel ?
— Le 87e, colonel Cuneo d’Ornano.
— Allons conquérir le 87e, clamèrent les soldats.