Page:Ivoi - Les Cinquante.djvu/265

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Hémery voudrait bien interroger son malade ; il n’ose pas. Il pressent un mystère qu’il n’a pas le droit de percer.

Il remonte en selle, aide Espérat à se hisser sur la croupe de sa monture, et tous deux poursuivent leur voyage.

Ils ont traversé sans peine le petit pont sous lequel écume la rivière de Bonne ; ils vont entrer dans le bourg de la Mure, quand plusieurs officiers du roi sortent d’une maison, leur barrent le passage et les obligent à mettre pied à terre.

— Ah çà ! s’écrie Espérat, les officiers du roi détroussent donc les voyageurs à présent ?

— Paix, mon jeune camarade, les voyageurs paisibles n’ont rien à craindre de nous, pourvu qu’ils répondent franchement aux questions qui leur sont posées.

— Et quelles questions, je vous prie ?

— On va vous le dire. Auparavant, un nom vous indiquera l’utilité de la soumission et du respect. C’est devant M. le général Mouton-Duvernet, commandant la subdivision de Valence, que vous allez être introduits.

— Ah ! fit paisiblement Milhuitcent dont le compagnon avait tressailli.

Vous devez faire erreur, car je ne vois pas trop ce que le général pourrait avoir à nous confier.

— La paix, jeune coq !

Un aide de camp paraissait à cet instant sur le seuil de la maison.

— Le général désire voir les prisonniers.

— Prisonniers, se récria Espérat.

— Silence, et entrez.

Le docteur et Milhuitcent furent poussés dans une salle du rez-de-chaussée, où Mouton-Duvernet, botté, éperonné, marchait avec agitation :

En apercevant les nouveaux venus, il s’arrêta court et les examina attentivement.

— Qui êtes-vous, demanda-t-il ? Le médecin fut sur le point de donner un faux nom, mais il se ravisa aussitôt, comprenant que la vérité sur ce point lui faciliterait des réponses ambiguës à d’autres questions. Aussi répliqua-t-il nettement :

— Je suis le docteur Hémery, attaché naguère à S. M. Napoléon, roi d’Elbe.

Le général eut un haut-le-corps.

— Et celui-ci, fit-il d’un ton rude en désignant Espérat.