Page:Ivoi - Les Cinquante.djvu/279

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Dans ce boyau resserré, le soleil ne descendait jamais jusqu’au pavé. L’édilité parisienne semblait se désintéresser de l’entretien de la ruelle obscure et méphitique. En plein centre du Paris bourdonnant, cela avait l’air d’un repaire de basses œuvres, cela était sinistre et inquiétant comme un refuge de truands.

À rue d’aspect vil, vile dénomination. Ce couloir s’appelait la rue Traînée.

C’est là que le comte se rendit.

Sur le pavé enduit d’une boue gluante, il s’aventura, glissant à chaque pas. Vers le milieu de la voie, une plaque de cuivre verdegrisée portait, en caractères à demi rongés par le temps, ces mots :

M. Chenalières,
Contentieux, Conseils juridiques.

Le comte la salua d’un sourire.

— Le drôle est toujours là, murmura-t-il.

Et sans hésiter, il s’engouffra dans l’allée au dallage disjoint, puante et noire. Un escalier à la rampe graisseuse se présenta devant lui. Il s’y engagea résolument. Au second étage, il s’arrêta devant une porte, autrefois blanche, sur laquelle des mains peu accoutumées au contact de l’eau avaient laissé des traces croisées en tous sens.

La clef était dans la serrure. D’Artin frappa, entra aussitôt, traversa une antichambre sordide, où un gamin chétif essaya en vain de l’arrêter, et pénétra enfin dans un bureau, encombré de paperasses, de livres, de registres, au milieu duquel trônait un homme d’une cinquantaine d’années.

Maigre, la peau parcheminée, les yeux ardents sous la broussaille des sourcils, l’individu était couvert d’une longue houppelande aussi crasseuse que la rue, la maison, l’appartement. Autour de son crâne chauve s’em-