Page:Ivoi - Les Cinquante.djvu/370

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Et il poussa un soupir de soulagement quand, ayant laissé en arrière la plaine de Fleurus, il parvint à la route de Namur à Bruxelles.

Maintenant, il trouvait enfin un terrain solide. Il pouvait presser l’allure de son cheval. Trempé, ruisselant, il excita sa monture, atteignit le carrefour des Quatre-Bras. À partir de ce point, la chaussée était de nouveau bordée de cadavres.

On avait donc délogé les Anglais des Quatre-Bras, et maintenant l’armée française marchait sur Bruxelles, chassant devant elle les troupes de Wellington en retraite.

Du coup, Espérat retrouva sa confiance. Grouchy et Vandamme immobilisant Blücher, Napoléon poursuivant Wellington, la victoire n’était pas douteuse.

Il allait donc pouvoir penser à Lucile. Il fallait à tout prix joindre l’Empereur, découvrir la Maison Carrée, indiquée par d’Artin comme son abri, délivrer sa sœur.

Le succès était une simple question de vitesse.

Les talons du jeune homme battirent les flancs de son cheval, qui accéléra encore son allure.

Voici des traînards, une arrière-garde.

Au passage, Espérat interroge les soldats qui s’avancent péniblement sous l’inlassable averse.

Il apprend que, les champs boueux étant impraticables, toute l’armée défile sur les chaussées de Namur et de Charleroi à Bruxelles, lesquelles se confondent près de Mont-Saint-Jean, dans la plaine de Waterloo.

L’Empereur est à l’avant-garde, avec une batterie de vingt-quatre canons, qui tirent sans cesse sur l’ennemi en retraite.

C’est l’artillerie qui a bordé la route de morts anglais.

De nouveau Milhuitcent talonne son cheval.

Bientôt il ne peut plus avancer ; la route est encombrée. Fantassins, cavaliers, sont mêlés sur la bande étroite du chemin, d’où l’on ne peut s’éloigner, sous peine d’enfoncer jusqu’à mi-jambes dans les terres grasses, détrempées par la pluie diluvienne.

Par des prodiges d’adresse, de patience, de volonté, l’adolescent réussit cependant à se frayer un passage à travers cette cohue.

Les détonations du canon d’avant-garde deviennent plus distinctes. Espérat se rapproche du but.

Allons bon ! voilà une troupe qui marche en ordre parfait, mais qui barre entièrement la route.

C’est la Garde.