Page:Ivoi - Les Cinquante.djvu/379

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due. Oh ! à tout autre moment, mon père adoptif, mes amis, me prêteraient leur concours. Aujourd’hui, je ne vous demande que Marc. À nous deux nous délivrerons la captive, tandis que vous délivrerez la France.

Affectueusement l’Empereur pinça l’oreille du jeune homme.

— Oui, oui, j’aurais dû deviner de suite que si tu ne donnais pas du dévouement d’un côté, c’est que tu en donnais d’un autre. La nuit, tu risquerais de tomber dans une patrouille ennemie, tu partiras demain matin. Je vais faire avertir Marc Vidal. Toi, va te reposer.

Le jeune homme baisa la main de l’homme de génie qui, à cette heure capitale, savait compatir à la souffrance d’un de ses serviteurs. Après quoi, obéissant, il se retira.

Un moment plus tard, dans une grange attenante à la ferme, enfoui au milieu d’un tas de paille, le petit comte de Rochegaule dormait.

Au jour il se leva.

Dans la cour, Marc Vidal fut la première personne qu’il aperçut. Courir à lui, échanger une cordiale étreinte, en répliques pressées apprendre que le commandant, mandé à la ferme du Caillou, avait été mis au courant par Napoléon, tout cela dura dix secondes.

— Alors, tu es prêt à partir ?

— Oui, mon cher Espérat.

— Partons donc.

— Auparavant, il nous faut prendre congé de Sa Majesté.

— Et la réveiller, fit Milhuitcent avec un éclat de rire. L’Empereur attendait des reconnaissances, il a dû se reposer fort tard.

— L’Empereur ne s’est pas couché.

C’était vrai. Napoléon avait passé la nuit debout.

À plusieurs reprises, il était descendu dans la plaine boueuse. Dans les intervalles de ces sorties, il recevait les rapports des officiers qui, incessamment parcouraient le terrain entre les avant-postes ennemis et la ferme du Caillou.

À quatre heures, des coureurs lui avaient amené un paysan qu’une brigade de cavalerie anglaise avait réquisitionné comme guide et qui avait conduit les escadrons occuper leurs positions près du village d’Ohain.

À six heures, Napoléon avait voulu interroger lui-même deux déserteurs belges, qui confirmèrent ses renseignements précédents, à savoir que l’armée de lord Wellington se préparait au combat.

Espérat courba la tête. Alors que lui-même se livrait aux dou-