L’Empereur, touché de l’amour des Français, reviendra un jour se mettre à leur tête et délivrer la France de la tutelle de l’étranger. Dispersez-vous. Que notre prochaine réunion nous trouve plus forts, plus unis, plus proches du but à atteindre. Allez, frères, nous resterons pour protéger votre retraite.
Un formidable cri de : « Vive l’Empereur » ébranla le souterrain. Après quoi, avec une discipline parfaite, l’assemblée s’écoula par les caves.
Maintenant les chefs : M. de La Valette, Tercelin, Vaneur, Henry, Bobèche, Marc Vidal, demeuraient seuls en face d’Espérat.
Le Président serra la main du jeune homme :
— Allons, Espérat, du courage, parlez. Dans cette douleur que vous m’exposez à l’instant, il y a une espérance pour tous. Oubliez-vous pour ne songer qu’à l’œuvre commune.
Son interlocuteur poussa un soupir, puis redressant son jeune front sur la pâleur duquel se détachaient des gouttes de sueur :
— Je suis prêt, dit-il.
Et, sur un signe du Président :
— Aujourd’hui, Mlle Lucile de Rochegaule et… d’Artin sont allés aux Tuileries. Le duc de Blacas les a présentés au roi.
— Ah ! ah !
M. de La Valette interrompit :
— Assistiez-vous à la présentation.
— Oui. Sous l’habit du rebouteur Denis Latrague, j’ai été introduit auprès du roi.
— En ce cas, vous n’ignorez pas quel a été l’accueil de Louis XVIII ?
— Je n’ignore rien.
Ces mots furent prononcés d’un ton douloureux qui frappa les assistants, mais c’était là une chose secondaire, incapable de fixer l’attention générale.
— Bien, reprit le président, votre présence calme mes inquiétudes. C’était à regret que je vous avais confié le poste périlleux, sollicité par vous.
— Oh ! périlleux, fit le jeune homme avec amertume. Lucile est démente ; d’Artin est obsédé par le crime, ni l’un ni l’autre ne pouvait me reconnaître.
Puis secouant la tête, comme pour chasser une pensée importune.
— Passons aux choses sérieuses, non, pas encore.
Il se tourna vers Marc Vidal.
— Capitaine, dit-il lentement, j’ai la certitude qu’Enrik Bilmsen a été poignardé par Lucile.