À ces paroles prononcées d’un ton dur par le comte, Espérat se souleva sur son séant et coula un regard perçant sous ses cils.
— Qui est là ? Que voulez-vous ? commença-t-il.
Mais Denis s’était rapproché. Il le reconnut, eut un sursaut, proféra une sourde exclamation :
— Ah !
Une pâleur couvrit ses traits ; d’Artin ne perdait pas une des émotions de son prisonnier :
— Ah ! tu comprends, coquin. Celui dont tu as pris la place…, et moi, auquel tu aurais bien voulu en faire autant.
Mais déjà le jeune conspirateur s’était ressaisi, les couleurs revenaient à ses joues :
— Je suis pris, M. le vicomte d’Artin.
— Tu pourrais dire M. le comte de Rochegaule, exclama le gentilhomme avec colère.
Espérât haussa les épaules :
— Mon respect pour M. de Rochegaule, mort bravement au service de la France, ne me permet pas de vous donner ce titre, Monsieur.
Et comme d’Artin serrait les poings.
— Au surplus, que vous importe. N’avez-vous pas l’habitude de… prendre ce que l’on ne vous donne pas.
Puis sans laisser à son interlocuteur le temps de répliquer :
— Je suis pris, faites de moi ce que vous voudrez.
Il y avait comme un défi dans son accent ; le comte le sentit :
— Mon compère, plaisanta-t-il, les dents serrées, tu vas d’abord te lever, t’habiller. Je suis désolé, crois-le, de te déranger à pareille heure ; mais bah ! Je me propose de te conduire dans un endroit ombreux, où tu auras licence de dormir aussi longtemps qu’il te plaira. Cette idée apaise mes regrets.
Puis aux policiers :
— Tenez-vous dehors, dans le corridor. Sortez également, maître Latrague.
Les interpellés ayant obéi, d’Artin alla fermer la porte, et prenant une chaise, s’assit tranquillement.
Pour Espérat, il sauta à terre, revêtit rapidement les habits sous lesquels il s’était présenté au Clos Noir.
Le comte le considérait pendant ce temps.
— Sais-tu où je vais te conduire ? demanda-t-il enfin.
— Je m’en doute, M. le Vicomte.