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Page:Ivoi - Les Semeurs de glace.djvu/101

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Puis sans sourciller, Scipion reprit :

— Non seulement je vivais, ce que ma présence parmi vous me démontre scientifiquement ; mais, de plus, j’étais gai comme un pinson, plus trace de mon désespoir d’antan. Par réflexion, je compris bientôt le pourquoi de ce changement.

Du ton d’un professeur donnant la solution d’un problème ardu :

— Mon bon, écoutez ceci. Mon estomac fonctionne dans la perfection, et bien, lou brave, il avait digéré mon chagrin, et ce chagrin, il m’avait nourri.

Tandis qu’une folle hilarité secouait l’auditoire, Massiliague conclut :

— J’avais engraissé de quatorze livres ; suge un peu de l’ampleur de ma douleur initiale.

Ce dernier trait valut une véritable ovation au narquois Provençal.

Le docteur, réduit au silence, s’éclipsa de mauvaise humeur aussitôt son café pris. L’un après l’autre les passagers l’imitèrent et remontèrent sur le pont, en devisant joyeusement du récit fantaisiste de Scipion.

Mistress Elena et miss Mable, qui avaient entamé à mi-voix une discussion animée concernant la possibilité de dormir deux ans sans se nourrir, la grosse demoiselle de compagnie penchant vers l’affirmative, tandis que la frêle mistress tenait pour la négative, se levèrent à leur tour, et sortirent tout en continuant à agiter ce problème captivant.

Stella et Jean restaient seuls dans le dining-room.

— Enfin, s’exclama la jeune fille, ce sera le tour de la pauvre Ydna.

Ce disant, elle se dressait sur ses pieds et décrochait vivement son réticule.

Mais tout à coup, elle changea de visage.

— Qu’avez-vous, mademoiselle ? demanda l’ingénieur surpris de sa pâleur subite.

Pour toute réponse, elle éleva son sac de soie.