Aller au contenu

Page:Ivoi - Les Semeurs de glace.djvu/13

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

par la barbe soyeuse. Ses yeux noirs, veloutés, caressants ou cruels, suivant la disposition d’esprit du señor, brillaient sous le arrebosi, foulard rouge noué sur le sommet du crâne. Son torse souple et vigoureux se dessinait sous le bojeta, chemise de flanelle, et le punchitello (mante de coton) drapé sur l’épaule. Des calzoninas, culottes bouffantes, et des guêtres de toile emprisonnaient ses jambes nerveuses, qui semblaient calquées sur celles de l’Apollon du Belvédère.

Cet homme avait une majesté étrange, et l’on s’étonnait de le voir accompagné par les trois coquins à mines patibulaires de coureurs de llanos (prairies couvertes de hautes herbes), qui suivaient respectueusement Sa Seigneurie.

— Eh bien ! Crabb ; eh bien ! Candi, vous vous reposez, mes braves ? fit Olivio en arrivant auprès des causeurs.

— Après le travail, lé repos est permis, signore, riposta l’Italien.

— Ah ! vous avez achevé.

— Totalement.

Le chef se pencha vers le bourrage, l’examina attentivement ; puis, d’un air satisfait :

— C’est aussi bien que possible.

Ses auditeurs se redressèrent :

— Mais la fortune vous récompensera de votre zèle, mes braves. Tous, Crabb, Candi, et vous autres, José, Kasper et Cristino (il se retourna, en prononçant ces derniers noms, vers ceux qui l’avaient accompagné au sommet de la montagne), tous, vous serez riches comme des monarques… Ah ! que notre mine détruise seulement cette maison et ceux qu’elle abrite, ceux que notre narcotique a plongés dans le sommeil, et un fleuve, non pas d’or, l’or est vulgaire, mais de diamants, coulera dans nos coffres.

Sa main menaçante s’étendait vers l’habitation sise en face, sur la pente du morne Rouge, habitation de-