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Page:Ivoi - Les Semeurs de glace.djvu/138

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mangé. Pour une femme, dont la diète n’est pas la profession, vingt-quatre heures sont un laps de temps un peu prolongé.

Du coup, les Anglaises, blotties l’une contre l’autre, échangèrent un regard désespéré.

— C’est la folie, murmura miss Doodee à l’oreille de Mable.

— Oui, fit celle-ci sur le même ton, la folie générale dont tout le monde à bord semble atteint.

— Enfin ne les contrarions pas, c’est le grand point.

À la suite de ces répliques susurrées si légèrement que les visiteurs ne les purent saisir, Elena s’efforça de sourire et d’un ton détaché :

— Oui, oui, en effet, il y a vingt-quatre heures.

Les mains de Massiliague s’offrirent une vigoureuse friction.

— À la bonne heure, vous avouez enfin.

La jeune femme sourit agréablement.

— J’avoue.

Et en aparté :

— Ces pauvres insensés ; un rien les satisfait.

Mais son interlocuteur reprit :

— Vous arrêterez-vous en si bon chemin, et ne nous direz-vous pas où est Dolorès ?

— Où elle est ?

— En ce moment, oui, mon agnelette.

Qui fut embarrassée ? Ce fut Elena. Non seulement elle ignorait ce qu’était Dolorès, mais, à plus forte raison encore, lui était-il impossible de préciser en quel endroit se tenait cette personne inconnue.

Par bonheur pour elle, celui qu’elle croyait privé de raison se chargea d’interpréter son silence.

— Je vois ce que c’est, bravounette, vous avez promis le silence.

— Précisément, c’est cela, s’empressa d’affirmer l’Anglaise, heureuse de se raccrocher à cette explication.