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Page:Ivoi - Les Semeurs de glace.djvu/145

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LES SEMEURS DE GLACE

— Tiens, remarqua quelqu’un, ce n’est pas un pavillon de marée.

On sait que, dans tous les ports, un jeu de pavillons indique les mouvements du flux et du reflux, constatation d’une réelle importance pour les marins, puisque les courants alternent.

— Pas de marées ; alors de quoi donc ?

Baignée dans les rayons solaires, la flamme n’avait plus de couleur, et il était impossible dès lors de préciser sa signification.

Intrigués, les passagers étaient tous le long des bastingages, cherchant à voir. D’instant en instant diminuait la distance. Enfin une voix lança ces mots :

— La pavillon jaune !

Un silence de mort suivit.

On eût dit que passagers et matelots avaient été soudainement pétrifiés.

Pour comprendre l’effet produit, il faut savoir que, dans divers ports du Sud-Amérique, il est d’usage de hisser la flamme jaune, lorsque la fièvre de même couleur sévit sur la région.

La fièvre jaune, comme le vomito-negro, comme le choléra, est une épidémie homicide.

Quand elle apparaît, les villes se dépeuplent.

Toute la classe aisée émigré vers les hauteurs, pour y chercher une atmosphère indemne de miasmes meurtriers.  Les pauvres, seuls, demeurent dans les cités.

Des mesures énergiques sont prises pour enrayer la marche du fléau. Dès que le mal se montre dans une habitation, ceux qui ne sont pas atteints doivent arborer un drapeau de teinte jaune aux fenêtres.

À partir de ce moment, le logis est frappé d’isolement. Nul n’en doit sortir, nul n’y doit entrer.

Législation cruelle, mais indispensable, car partout où elle a été appliquée, les proportions de l’épidémie ont été restreintes à un minimum.

Les populations s’en sont vite rendu compte, et les