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Page:Ivoi - Les Semeurs de glace.djvu/152

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danger de mettre des insensés en mécontentement, j’ai parlé de même sens qu’eux.

— C’est fâcheux, très fâcheux, répondit une voix que les auditeurs reconnurent pour celle du chef des vigils.

— Très fâcheux, vous êtes droit en exprimant cela, car il me faudra une huitaine au moins pour replacer dans le calme mes pauvres nerfs surexcités.

— Encore n’êtes-vous pas au bout de vos peines, señora.

— Comment, l’extrémité ne vous paraît point venue ?

— Hélas ! non, et le caballero, que je suis, le déplore de toute son âme immortelle. Seulement vous pensez bien que le peuple ne se contentera pas de l’explication donnée par votre bouche adorable. Croire à la folie de tout le monde, cela est vrai puisqu’une créature aussi parfaite l’affirme ; mais, et j’en suis navré, cela n’est pas vraisemblable.

— C’est vrai pourtant.

— Oh ! señora, j’en suis sûr. Un galant homme ne doute pas de la parole d’une adorable señora ; mais, toujours le mais qui déchire mes lèvres, le peuple n’est pas composé de galants hommes. Sa grossièreté est telle qu’il exigera votre mise à mort, si la noble Mestiza ne se retrouve pas.

— Nous mettre à mort ?…

— Entièrement, ô la plus exquise des señoras, croyez un caballero qui ne s’en consolera jamais.

Brusquement Jean repoussa l’armoire à sa place.

— Je sors, fit-il.

— Où allez-vous ? questionnèrent ensemble les deux jeunes filles.

— Je vais travailler à la délivrance de ces infortunées.

Et entraînant ses compagnes jusqu’à la chambre la plus éloignée de l’appartement de mistress Doodee, il en ouvrit la fenêtre.