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Page:Ivoi - Les Semeurs de glace.djvu/16

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lequel continuait paisiblement sa promenade vers le cratère du mont Pelé.

Embusqués l’un près de l’autre, Crabb et Candi regardaient.

Soudain, l’Italien eut un mouvement.

— Par la Madone… est-ce qué j’ai la berlue !

— La berlue, pourquoi ? demanda Crabb.

Ma, c’est qué jé crois… Oui, oui, c’est loui-même.

Candi jouissait d’une vue perçante, que celle de Crabb était loin d’égaler.

— Qui, lui ? fit ce dernier avec une pointe d’impatience.

— Le pétit…

— Jean… mister Jean !

— Oui, oui… jé mé trompe pas…

— Lui… by God !… et lord de Avarca veut le tuer…

— Il né fallait pas.

— No

— Santo Cristo, il né faut pas.

— Quoi faire ? le lord, il faisait jamais grâce.

— Non, jamais… le signore né connaît pas la pitié.

— Défendons mister Jean, alors…

— Personné né lutte contré lé signor Olivio. Chacuné balle de son revolver fait oun morto.

— En ce cas, old fellow, quoi faire ?

Le voyageur approchait toujours et quiconque eût observé les deux bandits les eût vu trembler d’épouvante.

C’est que jamais encore ils n’avaient connu angoisse pareille.

Leur histoire était celle de maint pauvre diable. Nés dans la boue, sans direction morale, ayant grandi au hasard de leurs instincts et des circonstances, tenus à l’écart de la société normale par leur pauvreté même, ils étaient devenus bandits sans secousse, sans révolte, s’abandonnant à une pente fatale.