Aller au contenu

Page:Ivoi - Les Semeurs de glace.djvu/17

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le sens moral n’existait pas chez eux. Qui donc le leur eût inculqué ?

N’ayant pas de quoi vivre, ils volaient ; ne possédant rien, ils prenaient aux autres sans se douter un seul instant, sans soupçonner qu’ils faisaient mal, qu’ils commettaient des crimes et que, même s’il n’existait pas de lois humaines, on ne devrait jamais faire aux autres ce que l’on ne voudrait pas que les autres vous fissent.

Traqués, poursuivis, la haine avait germé en eux.

Après le vol, le meurtre. Ils avaient déclaré là guerre a l’humanité, toujours sans comprendre l’énormité du crime.

Ils étaient des anarchistes inconscients, des aveugles de la conscience.

Toutefois, dans l’obscurité de leur âme, un rayon avait lui, et comme il arrive souvent en pareil cas, toutes les tendresses, toutes les délicatesses endormies au fond d’eux-mêmes et jusqu’alors sans emploi, s’étaient frénétiquement concentrées sur Jean.

Comment l’avaient-ils connu ? L’histoire était simple.

Un soir, à la nuit tombante, sur une route grise de poussière que Crabb et Candi suivaient pour gagner Auxerre, ils avaient trouvé un garçonnet d’une dizaine d’années, pleurant la faim.

L’enfant, un de ces parias condamnés à la solitude par la mort ou l’abandon d’une mère, n’avait pas de gîte, pas de parents, pas d’amis. Le pauvre errant était même dépourvu de nom.

Un prénom : Jean, composait tout son bagage.

Et Incontinent, avec l’insouciance des lois et règlements qui les caractérisait, les deux hommes avaient adopté l’enfant.

Alors des scrupules, ignorés jusqu’à ce jour, leur avaient soudainement poussé.

Ils s’étaient dit :