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Page:Ivoi - Les Semeurs de glace.djvu/167

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LES SEMEURS DE GLACE

— Vous, dire salubrité.

— Oui, moi dire, répliqua Jean, entraîné par l’instinct d’imitation à parler nègre.

Le domestique s’éloigna aussitôt, pour revenir, au bout de quelques secondes, annoncer au visiteur que Massa allait recevoi li dans le tit cabinet di tiavail à li.

L’ingénieur s’inclina avec une satisfaction visible et se laissa conduire dans la salle où l’attendait le maître du logis.

Le señor Besomanos était étendu sur une chaise longue de rotin en une petite pièce tendue de perse claire.

Il eut, à l’entrée de l’ingénieur, une inclination de tête fort courtoise et prononça avec un sourire qui découvrit ses dents blanches :

— Je suis l’humble serviteur de Votre Seigneurie. La maison, son propriétaire, sont à vous, caballero, usez-en comme de choses vous appartenant.

Toute la courtoisie de l’hijodalgo (gentilhomme) castillan, sonnait en cette phrase un peu pompeuse.

L’ingénieur la souligna d’une inclination, et se mettant à l’unisson :

— Votre aménité me traite au-delà de mes faibles mérites. Ce n’est pas d’une maison que j’ai besoin, mais d’un encouragement, car pénible est la communication qui motive ma visite.

— Pénible, señor ; jamais je n’aurais cru qu’un homme de votre valeur pût hésiter. Vous avez le regard du Cid Campeador.

— Le Cid combattait des hommes.

— Et vous ?…

— Je me trouve en face d’un fléau.

— Pardon si je ne devine pas…

— Un fléau, señor. Et pour tout dire d’un mot : la fièvre jaune.

On a beau parler du Cid, il n’en résulte pas que l’on soit un foudre de guerre. Au nom de la terrible