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Page:Ivoi - Les Semeurs de glace.djvu/178

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LES SEMEURS DE GLACE

Les mains noires s’agitaient. On eût cru qu’elles allaient déchirer le trio, objet de la concurrence des bateliers.

Mais ce n’était là que le prélude de la discussion monnayée.

Enfin un noir lança triomphalement :

— Mi, pas cher.

Ce fut une explosion :

— Mi non pius, hurlèrent à l’envi les assistants.

— Oun piastre par die (jour), li bateau joli et huit rameurs.

— Oun piastre, señor, li vole ti do moitié.

— Li menti, conde (comte).

— Li langue do crotale (serpent à sonnettes). Li pas croire, gobernador.

Au milieu de ce tohu-bohu, Jean ne savait auquel entendre.

Mais un nègre, sans doute plus échauffé que les autres, se campa devant lui et lentement :

— Mi transporta ti pour moitié do pius bono marché.

Un rugissement accueillit la phrase. Un instant les passagers se figurèrent que les mariniers noirs allaient en venir aux mains. Ils connaissaient mal les mœurs de ces étranges bateliers.

Par ce cri, les autres Bonis se déclaraient vaincus. Ils s’éloignèrent aussitôt, laissant les Européens seuls avec le vainqueur.

— Mi prendre bagages à ti ? fit alors celui-ci.

— Oui, à la fonda do Ichaguil.

— Mi appelle camarades. Ti monter dans bateau joli.

Et le désignant de la main.

— Ti le voi, li bateau blanco, li gracieux como poule ; li vite como fusillazo (coup de fusil). Ti prendre place, ti content avoi choisi Jesu-Maria pour rameur, ti content.

Jesu-Maria, puisque l’athlétique nègre avait adop-