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Page:Ivoi - Les Semeurs de glace.djvu/179

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LES SEMEURS DE GLACE

té ces noms, avec l’indifférence absolue du genre qui caractérise les Bonis ; Jesu-Maria conduisit lui-même ses passagers à son bord, veilla à leur installation avec une sollicitude dont ils furent touchés, puis appelant deux de ses camarades, il les entraîna vers la fonda de Ichaguil.

Une heure après, la caisse aux boules d’air liquide, les valises, armes, munitions, étaient arrimées sur le chaland ; la marée montante se faisant sentir (elle se propage jusqu’à 400 kilomètres de la côte), les amarres du bateau furent détachées, et lentement emportée par le flot, l’embarcation remonta le fleuve.

Le soir, ayant dépassé le confluent du Rio Xingu, affluent de la rive droite du fleuve, on campa sur la rive gauche, à peu près à mi-chemin entre le rio Paren et la lagune Urubucuara, dont le nom pittoresque peut se traduire par : Promenade des Vautours Urubus.

La nuit, on ne se confie pas à l’Amazone.

Le grand fleuve, en effet, coulant durant des centaines de kilomètres entre des forêts vierges qu’il inonde annuellement, charrie fréquemment des troncs d’arbres. Parfois, ces troncs s’arrêtent sur un haut-fond. Leurs branches s’enfoncent dans l’alluvion, font ancre, et la masse ligneuse devient un écueil fixe, souvent recouvert par les eaux.

On conçoit les difficultés de la navigation. La clarté du jour est indispensable pour permettre aux pagayeurs attentifs de discerner les obstacles flottants ou immobiles, dont la rencontre amènerait le naufrage du bateau. Nous disons naufrage avec intention, car sur une nappe liquide dont la largeur varie de deux à douze kilomètres, avec des profondeurs de trente à trois cents mètres, échouer équivaut sensiblement à un cataclysme de même nature qu’en mer.

Autour du campement, des feux avaient été allumés, et les Bonis se relayaient à tour de rôle pour les