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LES SEMEURS DE GLACE

passion qui gronde chez le carnassier. Pour l’assouvir, il a toutes les ruses, toutes les audaces. Le feu lui-même, dont tous les êtres animés ont peur, le feu ne l’arrête plus, pour atteindre la proie convoitée, il passe à travers les flammes.

De là le surnom expressif que la Mestiza venait de rappeler.

Le Boni interpellé inclina la tête sans prononcer une parole.

— Où est-il ? reprit Ydna après un instant de silence.

Son interlocuteur étendit le bras vers l’ombre, et les jeunes filles, regardant dans la direction indiquée, aperçurent deux points lumineux, phosphorescents, qui se mouvaient à l’extrême limite de la zone éclairée par les foyers.

Un Instant même, la flamme, en ses évolutions capricieuses, darda une de ses langues vers le ciel. Le cercle lumineux grandit pendant une seconde. Si brève que fut cette éclaircie, les voyageuses eurent le temps de distinguer confusément un énorme jaguar.

Arcbouté sur ses pattes, la gueule menaçante, le fauve roi de la faune américaine paraissait prêt à l’attaque.

Un petit cri de frayeur échappa aux deux amies.

Chacune avait eu l’impression que les prunelles sanglantes du félin se fixaient sur elle. Tremblantes, elles se levèrent, avec la volonté de rentrer sous leur tente, d’échapper à ce terrifiant spectacle.

Mais le mouvement ébauché ne se continua pas.  Brusquement le jaguar était sorti de l’ombre.

La tête tendue en avant, les oreilles couchées, la gueule ouverte laissant grelotter un grognement de convoitise, il développait en pleine clarté sa forme souple et vigoureuse, ses pattes puissantes dont les griffes s’étendant, sous l’effort du désir, grinçaient sur le sol.