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Page:Ivoi - Les Semeurs de glace.djvu/189

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LES SEMEURS DE GLACE

quille, que les voyageuses se sentirent rassurées.

Le courage est une clarté. C’est un astre intérieur qui rayonne et porte la chaleur, la confiance autour de lui.

À l’abri de ce défenseur, Stella et Dolorès cessèrent de trembler. Leurs regards troublés redevinrent clairs. Avec une curiosité sereine, elles considérèrent l’homme et le jaguar, séparés par le brasier, se défiant des yeux.

Puis brusquement la prêtresse murmura :

— Mais, moi aussi, j’ai un revolver.

Et, laissant sa compagne sur place, elle bondit vers sa tente où elle disparut.

On eût dit que le jaguar attendait ce signal.

Il se rasa soudain, sa queue mouchetée décrivit deux ou trois oscillations rageuses, après quoi, ses jarrets d’acier se détendirent, un rugissement effroyable déchira l’air, et Stella, pétrifiée, aperçut un corps sombre qui décrivait au-dessus des feux un arc de cercle dans l’air.

Mais le féroce animal ne toucha pas terre. Le Boni avait suivi tous ses mouvements. À l’instant où il s’enlevait de terre, le nègre sauta en arrière, occupant, avec une sûreté de coup d’œil incompréhensible, l’endroit où la courbe devait rejoindre la surface de la rive.

Les muscles tendus, les nerfs raidis, il reçut sans fléchir le choc formidable. Sa main gauche enveloppée de flanelle, releva les pattes antérieures du félin, tandis que le machete, projeté par la droite avec une vigueur surhumaine, disparaissait tout entier entre les côtes de l’assaillant.

Un rauquement éperdu, une sorte de miaulement gigantesque et lugubre, annonça que le mangeur de feu était frappé à mort.

Déjà Stella s’élançait sur le vaillant noir pour le féliciter ; mais la scène changea tout à coup.

Dans un soubresaut d’agonie, les pattes d’arrière