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Page:Ivoi - Les Semeurs de glace.djvu/191

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LES SEMEURS DE GLACE

Tout en parlant, elle prenait le vase d’eau, ténu par Mlle Roland, et d’un sachet pendu à sa ceinture, elle tirait un flacon de cristal, curieusement taillé, empli d’une poudre rougeâtre dont elle versa une pincée dans le liquide.

C’était de la racine pilée du majabni à fleurs roses, dont les propriétés astringentes et antiseptiques sont utilisées dans l’Est péruvien, pour hâter la cicatrisation des blessures.

Un fait étrange se produisit alors.

Les Bonis tentèrent d’enlever le blessé de vive force, et Dolorès, pour demeurer libre de le panser, dut les menacer de son revolver.

Tous reculèrent en clamant :

— Toi pas devoir, senoraële, nous soigner pauvre nèg !

Elle haussa les épaules et, imprégnant son mouchoir d’eau, elle mit à nu la poitrine du malade, opération facile, car une simple chemise de calicot la couvrait.

Des sillons sanglants, tels qu’en eût pu tracer un poignard, la creusaient. Tout le torse du Boni était barbouillé par le sang qui avait jailli de ces entailles.

— Pauvre homme, fit doucement la prêtresse.

Avec des précautions infinies, tout en surveillant de l’œil les bateliers, qui gesticulaient et protestaient toujours, elle se mit à laver les plaies.

Si prudente que fût sa main, si léger que fût son contact, des tressaillements ridaient la peau du patient toujours évanoui.

Et soudain Dolorès s’arrêta avec une exclamation stupéfaite.

Attirée par ce cri, Mlle Roland se pencha en avant, et à son tour elle s’écria :

— Qu’est-ce que cela signifie ?

Sous l’influence de l’eau acidulée par le majabni, la peau du blessé s’était décolorée, et maintenant elle présentait l’apparence de l’épiderme d’un blanc, tan-