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Page:Ivoi - Les Semeurs de glace.djvu/192

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LES SEMEURS DE GLACE

dis qu’une teinte noire troublait le liquide resté dans le vase.

Les jeunes filles échangèrent un regard, et doucement, la prêtresse, désignant successivement les Bonis bruyants et le corps inerte :

— Je comprends.

— Quoi ? Déguisement.

— Moi aussi je conçois cela. Mais pourquoi ce déguisement ?

— Pour n’être pas reconnu par moi.

Avec un sourire, Dolorès ajouta :

— Le moyen était bon, puisqu’il a fallu un accident impossible à prévoir pour trahir l’incognito…

Elle s’arrêta comme si sa voix se refusait à prononcer un nom.

— L’incognito de qui ? insista Mlle Roland.

Avec effort, Dolorès répondit :

— De Francis Gairon, celui que je dois fuir pour aller mourir, celui dont le dévouement m’a révélé la tendresse.

— Lui, mais alors il nous a donc suivies depuis Sao-Luis de Maranhao ?

— Probablement.

— Est-il sûr que ce soit lui ?

Le sang avait cessé de couler, le pansement indien réussissait. Pour toute réponse, Ydna passa le linge mouillé sur le visage du blessé.

Les Bonis regardaient toujours. À ce geste, ils se précipitèrent en avant, et l’un d’eux lança avec l’accent marseillais le plus pur :

— Troun de l’air, la teinture, elle est percée à jour.

— Le seigneur Massiliague, fit la voix de Jean qui, tiré enfin de son sommeil, venait d’apparaître et considérait ses compagnons avec la mine indécise d’un homme prodigieusement surpris.

— Eh oui, ma foi, riposta gaillardement Scipion. Maintenain que vous nous avez reconnue, il est inutile de nous cacher.