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Page:Ivoi - Les Semeurs de glace.djvu/198

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— Je vais vous dire, mes bonnes gensses, un récit héroïque des fastes de Marseille.

— Bravo ! murmura l’assistance.

— Oui, bravo, car il s’agit de la prise d’un château fort par un chou.

— Un chou ?

— Té oui, un chou, légume estimable que vous estimerez encore davantage, quand vous saurez qu’il fut machine de guerre, plus redoutable que couleuvrines, boulets, arquebuses, chèvres et balistes.

Et lentement :

— Comment un chou vint à bout du manoir féodal du sire de Galéjac.

Un silence religieux accueillit cette annonce. Scipion promena sur ses auditeurs un regard caressant ; après quoi, il commença :

— Saint-Charles est un quartier de Marseille ; un quartier plus grand, plus beau qu’une capitale ordinaire. Si vous voulez en avoir une idée, voyez Paris, Londres, New-York, Rlo-de-Janeiro ; mêlez toutes ces villes ensemble, et vous aurez, non pas Saint-Charles, c’est impossible, mais une pâle copie.

Un murmure soulignant cette audacieuse affirmation :

— Bagasse, reprit le Provençal, je sais bien que vous ne pouvez me comprendre… Qui n’a pas vu Marseille, n’a rien vu, et je vous parle de la cité unique en me disant : cela leur fait le même effet qu’à des aveugles, auxquels je parlerais des couleurs. Mais, en somme, je m’en taramade (moque) comme d’une figue. La vérité doit être dite, même quand elle n’est pas vraisemblable, et je ferais un nœud marin à ma langue, plutôt que de lui permettre de prononcer une syllabe contraire au vrai, hé donc !

Sur cet exorde sensationnel, Scipion reprit haleine.

Au même instant, Dolorès et Stella se levèrent et se glissèrent sers la porte, sans que les assistants, les