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Page:Ivoi - Les Semeurs de glace.djvu/200

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« Le meilleur pour sa défense était que son maire, Estachou, il était né dans le vrai Marseille, autour de ce qu’on appelle le Vieux Port. Estachou, c’était l’esprit même, la bravoure en personne, comme tous ses compatriotes. En un mot, il aurait inventé des qualités, plutôt que d’en manquer.

« Or, Estachou allait souvent au castel du sire de Galéjac. C’était un seigneur remuant, batailleur, avec qui la commune libre avait sans cesse des démêlés, que l’habileté du maire faisait tourner à son avantage.

« Dans ces visites fréquentes, Estachou eut l’occasion de voir Céciliette de Galéjac, sœur du gentilhomme.

« Et comme Céciliette n’était point aveugle, elle aussi avait vu Estachou.

« Si bien qu’un jour où ce brave maire arrivait au château, le sire de Galéjac le prit à part.

« — Eh donc ! Estachou, j’ai quelque chose à te dire, mon bon.

« — Parle, ma caillou, tu sais que je t’ouïs toujours avec plaisir.

« — Cette fois, tu te pâmeras d’aise.

« — Qué vas… fais-moi pâmer, ma Colombe.

« — Eh bien, autremain, pécaïre, ma sœur Céciliette daigne t’accorder sa main.

« Estachou se gratta la tête, et, sentant qu’il tenait le bon bout, il fit avec une élégante négligence :

« — Sa main… et avé ça ?

« — Comment, avé ça ? grommela le sire interloqué.

« — Eh oui, fanfarou, que tu veux que j’en fasse ?

« Qui fut surpris, ce fut le gentilhomme. Il savait pas qu’à Saint-Charles, si l’on tutoie tout étranger, si on le traite en égal, c’est par pure condescendance, rascasse ! Personne n’est l’égal d’un gaillard de Saint-Charles. Pour être de pair, troun de l’air, il faudrait être de sang royal et être né à Saint-Charles.