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Page:Ivoi - Les Semeurs de glace.djvu/204

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tout essoufflé d’avoir gravi les cinq cent quatre-vingt-douze marches de l’escalier du donjon, essoufflement justifié, car cet escalier était en spirale, et les spires gênent qui respire, comme dit le proverbe.

« — Là, là, voyez, répondit la douce enfant en désignant de la main la direction de Saint-Charles.

« À cette époque, il n’était pas encore malséant de montrer du doigt, bravounette, car, sans cela, je vous donne mon billet que Céciliette, une fille bien élevée, ne l’aurait point fait.

« Et que vit Galéjac ?

« Un chou vert, haut comme le donjon, porté par plus de mille roulettes, et traîné par autant de chevaux, qu’un pareil nombre de charretiers fouaillaient à tour de bras pour leur donner des jambes.

« — Quèsaco ? balbutia le sire.

« — Un chou, mon frère.

« — Té, par la frichtrolasse, je le vois bien, mais qué ça signifie ?

« À ce moment, un son de cotne résonna devant l’entrée du castel. Le frère et la sœur se penchèrent par-dessus les crénaux et virent, cinquante mètres plus bas, Estachou debout au milieu du pont-levis.

« — Eh donc, ça va bien ? leur cria-t-il.

« — Pas mal, mon bon, et toi-même ?

« — La santé est bonne ; j’apporte la légume pour la marmite ; seulemain, si tu abats pas tes murailles, je pourrai pas la faire entrer.

« Et avec un sourire paterne :

« — Ça sera dommage, car sous chaque feuille du chou, il y a une surprise.

« À ce mot magique, les châtelains descendirent quatre à quatre.

« — C’est de l’or, s’écrièrent-ils.

« — C’est une surprise, ma colombe, répliqua Estachou. Tu verras ça plus tard, mais pour pas te languir, je te déclare que j’ai enfermé dans ce chou tout ce que l’on peut désirer de mieux.