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Page:Ivoi - Les Semeurs de glace.djvu/207

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LES SEMEURS DE GLACE

— Oui, señorita.

— Alors, conduisez-nous.

L’indigène s’inclina, et dans ses traces, la jeune fille appuyant sa main tremblante sur le bras de Jean, les Européens sortirent sans bruit de la fonda.

Cependant Ydna était demeurée seule dans sa chambre, au milieu de ses amis plongés dans le sommeil.

— J’ai voulu que vous dormiez, murmura-t-elle, parce que vous ne m’auriez pas laissée m’éloigner.

Il y avait une douleur poignante dans son accent. Son visage exprimait le désespoir de l’adieu sans retour.

— Oui, vous fûtes braves, dévoués, infatigables. Oui, dans mon cœur de prêtresse farouche, vous aviez fait germer la tendresse ; mais la loi du Soleil ordonne, je dois obéir, je le dois.

Tout en parlant, elle se rapprochait, comme malgré elle, de Francis Gairon.

Le chasseur, terrassé par le narcotique mêlé au maté, dormait, la tête renversée en arrière, sur le dossier de son siège.

Ydna le considéra longuement.

De grosses larmes roulèrent sur ses joues. Ses lèvres palpitèrent, livrant enfin passage à un seul mot :

— Francis.

Puis brusquement, avec un mélange d’audace et de crainte, elle se pencha sur le dormeur et le baisa au front.

— Adieu ! gémit-elle.

Elle alla vers la porte, l’ouvrit. Sur le seuil, elle se retourna encore.

— Adieu ! J’avais fait un doux rêve ; le Soleil le condamne ; adieu ! Je ne veux pas t’entraîner dans la mort, dans l’au-delà sombre dut trépas.

Elle revint à lui, déposa un nouveau baiser sur le front du chasseur.

— Oui, tu m’accuseras. Tu diras ; Âme de femme,