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Page:Ivoi - Les Semeurs de glace.djvu/254

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— Alors l’Indien ?

— Il est mort.

— Et comment as-tu fait pour le tuer ?

— Ça n’a pas été difficile. Lé drôle était allé fairé oun pétité proménade au clair dé la loune. À son rétour, zé loui ai offert oun verre dé l’eau dé feu, commé il disait.

— Bon, je vois, tandis qu’il buvait ?

— Six pouces dé fer entré les côtés. Rieng de meilleur pour la santé : tous les médecings vous le diront.

— Pas sous cette forme-là.

— On fait comme on peu, hé ! pas vrai ?

Puis Kasper demanda encore :

— Le cadavre ?

— Au fleuve.

— Mais il porte une blessure, celui-là.

— Cela n’a pas d’importancé ; les autorités né se troublent pas pour oun simple Indien :

Tous opinèrent de la tête.

C’est une idée générale au Brésil, une idée adoptée, non seulement par les blancs, mais aussi par les noirs, et même par les métis, issus d’indigènes et d’immigrés, que l’Indien pur est un être inférieur, dont la vie et la mort n’ont pas la même valeur que celles des autres castes.

Et comme, dans celles-ci, on a la navaja (couteau catalan) prompte, comme on tranche facilement l’existence de son semblable, on juge que le meurtre d’un Peau-Rouge est à peine une faute vénielle.

— Notre mission est donc terminée, reprit Kasper ; trinquons avant de retourner auprès du señor capitaine.

— Volontiers, consentit Candi rassuré maintenant. C’est oune chose charmante qué dé choquer son verre avec des amis.

— Oui, quand le verre est plein ! compléta Kasper.

— Eh ! s’il est vide, on lé remplit.

Riant de cet assaut d’esprit, — c’est ainsi que les assistants désignaient les plaisanteries un peu lourdes des causeurs — tous mirent pied à terre et entrèrent en tumulte dans la salle commune