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Page:Ivoi - Les Semeurs de glace.djvu/300

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— Soit donc, dit-il, je vous laisse.

— Et bien vous faites, meinherr ; dans dix minutes, vous vous applaudirez de votre condescendance.

Alcidus paraissait sûr de lui.

Le señor le considéra un instant d’un air de doute ; puis, prenant son parti, il sortit et referma la porte sur lui.

Les jeunes filles s’étaient laissées tomber sur deux chaises voisines. Les mains unies, elles avaient examiné les deux hommes.

Elles se sentaient faibles, incapables de lutter, et une terreur vague, d’autant plus pénible qu’elle se pouvait moins préciser, les étreignait.

La porte retombée, elles frissonnèrent en se voyant seules avec l’Allemand. Cet être bizarre, boiteux, auquel ses lunettes bleues donnaient un faciès d’oiseau de nuit, les déconcertait. À l’abri des besicles, le regard de l’inconnu pesait sur elles.

L’homme fit un pas.

Elles se levèrent toutes droites, le cœur palpitant la poitrine oppressée.

Mais il eut un geste bienveillant, et à mi-voix :

— Rassurez-vous, mesdemoiselles, nous avons à causer.

Chose singulière, sa parole lourde, traînante, se faisait vive. Son accent tudesque avait disparu.

Sans savoir pourquoi, les prisonnières eurent l’impression que leurs craintes étaient vaines. Elles se rassirent docilement.

Et Alcidus se rapprocha d’elles.

Un cri de surprise faillit leur échapper. L’Allemand ne boitait plus.

Il mit un doigt sur ses lèvres, s’avança encore. Parvenu à deux pas de Stella, il mit un genou en terre, puis doucement :

— Silence, une imprudence nous perdrait tous.

Et avec tendresse :

— Stella, c’est moi, Jean, venu pour mourir avec vous ou pour vous délivrer.

Elle lui tendit les mains. Il les porta à ses lèvres.

Mais secouant son émotion, il reprit :

— J’ai dix minutes. Je dois me hâter… Olivio de