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Page:Ivoi - Les Semeurs de glace.djvu/304

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— Pour ?…

— Pour décider la captive.

Un clignement d’yeux, un sourire, et le Méridional répondit :

— Je te vois venir, mon bon.

— Vous refusez ?

— Pas le moinsse du monde, Alcidus compte sur son pouvoir… suggestif.

— Vous dites ?

— La vérité tout entière.

Et avec un abandon parfaitement joué :

— Écoute, mon enfantinet, tu connais pas Alcidus, je veux t’apprendre ce brave garçon ; je veux, rascasse, que tu lui donnes ta confiance. Entends ce qu’il fit un jour où nous étions tous les deusses à Marseille.

Il respira et gravement :

— Tu sais pas ce que c’est que Marseille, te l’expliquer ne servirait de rien, pécaïre c’est une ville qu’il faut voir pour y croire. Je te dirai seulemain que c’est une cité tellement étonnante, que pour étonner légèrement un de ses enfants, Il faudrait être capable d’étonner… l’étonnement lui-même. Tu saisis, fanfari ?

Olivio opina d’un signe de tête.

— Eh ! donc, alors cela va marcher tout seul !

Puis la voix baissée, l’air convaincu, Scipion poursuivit :

— Un jour, Caïus Boudiliasse était sombre comme la nuit. Caïus Boudiliasse était un gros boucher des avenues de Meilian. Gras ainsi qu’un moine, plus fort qu’un teur, rouge comme pivoine, et commerçant comme… Mercure, ce dieu des marchands et des voleurs, qui portait des ailes aux talons, en guise d’éperons, enroulait des serpents autour de sa canne, et qui, bien avant les chapeliers de la chapellerie moderne, avait inventé la coiffure antinévralgique, ultra-légère, en dotant son « melon » d’ailerons ventilateurs.

Depuis un moment, Olivio considérait son interlocuteur avec une sorte de stupeur. La prodigieuse faconde du Marseillais l’étourdissait. Certes les Sud-