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Page:Ivoi - Les Semeurs de glace.djvu/307

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des yeux comme ça ; on dirait les écluses du port. C’est les oreilles qu’il faut ouvrir.

« — Je les ouvre, Moussou que je connais pas.

« — Bien… alors j’y verse ma proposition, fanfarion ! »

Puis tranquillement :

« — Tu trembles de garder pour compte tes vingt mille spécimens de laineux du Nord ?

« — Hélas ! ils sont durs comme granit.

« — Il faudrait donc qu’ils fussent tendres, mon bon ?

— Bon dieou ! C’est là ce qu’il faudrait ! seulemain c’est impossible.

« — Impossible, tu raisonnes comme une barrique.

« — Quoi, vous pensez que l’on pourrait les… attendrir.

« — Sans les faire pleurer. Oui, rascasse.

« — Et comment ?

« — En consentant, primo, à partager le bénéfice avec moi ; secundo, à me laisser faire. »

Caïus Boudiliasse se gratta la tête d’une telle force qu’il se fit tomber plusse de cinq cents cheveux.

Mais il sentait la ruine sur lui. Plus rien ne pouvait aggraver sa situation. Enfin la confiance de Noguer, vous l’avez éprouvé vous-même, est communicative. Il accepta.

Alors, mon associé se rendit aux enclos, où les troupeaux bêlaient d’ennui, et il les magnétisa en disant :

« — Petits agnelets, devenez tendres, comme le sourire de mai. »

Et pffuit ! Voilà les vingt mille bêtes qui se prennent à bêler si doucemain, si gentimain, que les bergers ils en avaient les larmes aux yeux.

Et les côtelettes, les gigots, fondirent comme miel dans les bouches marseillaises. Le magnétisme, une fois encore, il avait triomphé. Les deux compères firent une affaire d’or, en vendant de la rosée ovine.

Depuis longtemps, Olivio n’écoutait plus. Avec une obéissance machinale, il suivait Scipion dans sa promenade sous la galerie couverte ; mais sa pensée ne