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Page:Ivoi - Les Semeurs de glace.djvu/31

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meuse ; puis il resta là, considérant celle qu’il avait sauvée…, cette inconnue dont il ignorait tout.

— Ah ! quel sera son réveil ? prononça-t-il tout haut.

Là-bas, à l’habitation Roland, poussé par les minutes rapides, affolé à la pensée de l’explosion imminente, il n’avait pas réfléchi…

Il l’avait emporté comme un trésor, se disant avec l’égoïsme inconscient du dévouement :

— Qu’importe le reste !

Et maintenant, il songeait que ce reste dédaigné était la famille de sa protégée… Les jeunes gens endormis autour de la tablé à thé étaient sans doute ses frères. Le vieillard aux lunettes d’or, enfermé dans son laboratoire, était son père, ce M. Roland dont le nom servait à désigner la maison.

La jeune fille s’était endormie heureuse, au milieu des siens… Elle allait se réveiller orpheline, isolée.

Parbleu ! Il était là, lui, avide de s’immoler pour elle, mais avec une angoisse affreuse son raisonnement, habitué à parler en maître à son esprit scientifique, son raisonnement s’exprimait ainsi :

— Qu’es-tu ? Un passant, un étranger. Une tendre attraction t’a appelé vers elle, mais elle ne t’a pas vu… À cette heure encore, elle ignore ton existence… Qu’est ton affection auprès de celles qu’elle a perdues ?


Et, courbant la tête, il répondait :

— Rien ! C’est vrai ! Rien.

Il ne l’avait donc sauvée que pour la condamner au deuil, à la souffrance. Son cœur, à elle, était resté là-bas, dans la maison blanche que l’ouragan de feu avait sans doute emportée, sur l’emplacement de laquelle tombait la cendre blanche du volcan.

N’eût-il pas été plus généreux de la laisser à cette fenêtre où, sans en avoir conscience, elle eût passé du sommeil dans la mort, la mort qui ne laisse aucun regret ?