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Page:Ivoi - Les Semeurs de glace.djvu/346

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— Amicalement l’on banquetait, ainsi que nous l’avons fait.

— Jusqu’à présent l’usage est commun à tous les pays.

— Attendez : le dessert arrivait, le Champagne mousseux faisait son apparition chez le riche ; chez le pauvre, on le remplaçait par le vin rose de palme.

— Après, après ?

— Le fiancé remplissait deux verres.

— C’est de l’ivrognerie.

— De la coutume, voulez-vous dire ; car l’un des verres était destiné à la future. Tous deux élevaient leurs coupes vers la statue de la Madone, qui ornait les salles à manger des plus humbles, et ils trempaient leurs lèvres dans le liquide pétillant. Ceci fait, ils échangeaient leurs gobelets de cristal, et chacun vidait le verre commencé par l’autre. Ceux qui se conforment encore à cette coutume prétendent connaître la pensée de la personne qui, la première a bu.

Un murmure joyeux fit le tour de la table.

— Aimable.

— Charmant

— C’est là de la fine libation de galanterie.

— La coupe du tendre, aurait dit Seudéri.

— Le Champagne de Petits-Soins.

— Le rio mousseux de Soucis-Galants.

Les Brésiliens, au moins ceux des classes cultivées, sont nourris de la littérature un peu superficielle, un peu spécieuse, mais pleine de grâce et de nuances, des xviie et xviiie siècles.

Pendant quelques instants, les plaisanteries qui s’échangèrent eussent fait penser à un Français que, par le fait d’un caprice féerique, il avait été brusquement transporté parmi des élégants de l’époque Louis XV.

Olivio, profitant de l’inattention générale, remplit son verre.

Se levant alors, il réclama le silence.

— señores, dit-il, je n’aurai pas l’indiscrétion d’exiger de ma chère fiancée qu’elle me livre sa