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Page:Ivoi - Les Semeurs de glace.djvu/36

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Mais sans laisser à son interlocuteur le loisir de s’enquérir du sens de son exclamation :

— Ne voulez-vous pas à votre tour apprendre ?…

— Qui vous êtes ? Si, si, mademoiselle.

— Je m’appelle Stella Roland.

Et souriant tristement :

— J’ai un nom, moi ; ne me l’enviez pas. C’est à moi, qui ai été choyée, chérie par mes parents, qu’il appartient d’envier la tranquille insouciance que vous devez à votre qualité d’enfant perdu.

Jean secoua la tête.

Mais elle reprit avec plus de force :

— En ce jour, j’expie toutes mes joies passées. Tout est sombre, morne, endeuillé à l’entour de moi. Vous ne craignez pour personne, tandis que moi…

La voix de Stella s’embarrassait. On eût dit qu’elle n’articulait les sons qu’avec peine.

— C’est la soif, dit-elle. Ces cendres s’infiltrent dans ma bouche. Oh ! j’ai tort de pleurer sur les miens. Bientôt j’irai les rejoindre.

Jean lui tendît sa gourde :

— Buvez, mademoiselle, il reste peu de chose, assez pourtant pour vous procurer quelque soulagement.

Quoi qu’elle en eût, la gracieuse enfant saisit avidement le récipient et but avec avidité.

— Vide, prononça-t-elle au bout d’un instant… Vide… Je vous ai privé de votre dernière ressource.

— Bah ! je ne compte pas.

Un long silence suivit.

En dépit de la prière formulée tout à l’heure par Stella, Jean ne trouvait rien à lui dire.

Pour elle, elle paraissait avoir oublié sa requête.

De temps à autre, tantôt l’un, tantôt l’autre des jeunes gens, s’approchait de l’orifice de la cavité.

Mais la cendre tombait toujours, serrée, impitoyable, rendant impossible l’évasion des malheureux qu’elle tenait prisonniers. Et la fine poussière s’ac-